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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 00:00
Les cultures sont-elles inégales? C'est la question qui se pose après la lecture, dans L'Humanité (1) d'une tribune du Docteur Guy Laval, psychiatre, psychanalyste. L'auteur estime que le terme même de "multiculturalisme" désigne "la coexistence de plusieurs cultures sur un pied d'égalité". Et il attaque de front en demandant à ceux que le multiculturalisme ne gène pas : "est-ce bien ce que vous désirez?" Alors, là, oui, le psychanalyste en appelle à l'inconscient. Est-cela que vous désirez?, demande-t-il en substance. Sous entendu, les cultures ne sont pas égales. Il y aurait donc des cultures plus dignes d'intérêt que d'autres. Parmi ces cultures qui ne sont pas dignes d'avoir de l'intérêt une "certaine sous culture américaine". Il y avait des  "sous hommes" (n'est pas Georges Frêche?), il y a maintenant des "sous cultures". Que cela tombe sur l'Amérique est sans doute sensé plaire. Le docteur Laval ne nous parle pas, en fait, de sous culture, il nous fait de l'idéologie et il agite la "sous culture américaine" comme d'autre un drapeau rouge sous le nez du bourgeois. Si on suit son raisonnement on serait envahi de "chansons et de films imposés par une publicité dispendieuse", etc. Tout cela menacerait "les Lumières, la révolution française et leur concept princeps: laïcité".
Les Lumières ont, avant tout, fait avancer le savoir, la connaissance et donc la liberté de penser. La Révolution a fait avancer le principe d'égalité, même si la bourgeoisie a ensuite mis ce principe dans sa poche. La pensée laïque se fait forte, certes, de défendre la liberté d'opinion: pouvoir pratiquer et défendre sa religion ou toute autre pensée et avoir le droit, aussi, de ne pas avoir de religion et de promouvoir l'athéisme (pour aller vite). Mais résumer les Lumières et la Révolution à la laïcité  c'est être réducteur sur la portée de la Révolution française. De même, croire, ou tenter de faire croire, que les films et chansons de la "sous culture américaine" menaceraient cet héritage c'est aller un peu vite en besogne.
Mais, surtout, ce qui est surprenant c'est cette attaque sans nuance contre LA religion. Dire que "la liberté de pensée s'est développée en France dans une lutte constante contre les empiètements de la religion dans le domaine public" est un peu rapide. La liberté de pensée s'est forgée, aussi, dans la lutte contre l'absolutisme et avant cela dans la lutte pour imposer de pouvoir professer une autre religion que la religion catholique. N' y a-t-il pas eu, justement les fameuses guerre de religions?
Et aujourd'hui, le problème n'est pas celui, supposé, de la place de la religion dans l'autoritarisme qui se réveille dans notre pays, mais bien la politique économique et sociale qui est menée et qui s'accompagne de restrictions aux libertés, y compris à la liberté de penser. En privilégiant la lutte contre la religion l'auteur se trompe de cible et, de fait, laisse tranquille ceux qui détiennent réellement le pouvoir. Ensuite, le docteur Guy Laval trouve que le terme de "racisme antimusulman" est "impropre" et "introduit la confusion" car cela viserait ni plus ni moins que "l'interdiction pénale de toute critique de la religion". Or, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Nous sommes face, aujourd'hui, à une stigmatisation de tout ce qui est musulman ou d'origine musulmane: on confond délibérément au niveau du pouvoir, habitants des banlieues populaires, musulmans, originaires des pays arabes. Dans l'imaginaire collectif musulman et arabe signifient la même chose. Cibler la religion musulmane comme cause de tous les problèmes revient, encore une fois, à stigmatiser une partie de la population et à renforcer le racisme (2).
Ne soyons pas dupes, les uns et les autres: le grand laïc, Jules Ferry, était aussi un grand colonialiste, comme quoi le monde est pétri de contradictions. Mais peut être, simplement, serait-il temps, pour éviter les anathèmes d'où qu'ils viennent, d'en revenir à la dialectique qui, on le sait depuis les situationnistes, peut casser des briques.
 

(1) link
(2) Allons plus loin: dans la même tribune Guy Laval (docteur, psychiatre et psychanalyste) parle de fatwa pour qualifier un propos du pasteur (sic) Richardson ... Les mots ont un sens. En donnant une coloration religieuse islamique à des propos de l'évêque négationniste Guy Laval  ne fait qu'accroître la confusion autour de l'islam.
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