Cinq mois après avoir été nommé, Manuel Valls a remis la démission de son gouvernement au président de la République. Il ne s’agit pas d’un remaniement, il s’agit bien d’une tentative de recomposition politique, d’abord interne au PS, mais pas seulement.
La démission du gouvernement survenant après les propos d’Arnaud Montebourg et, dans une moindre mesure, de Benoît Hamon, révèle d’abord un échec –un de plus- de Manuel Valls. Echec personnel mais surtout échec politique. Ayant inscrit sa démarche dans le soutien inconditionnel à François Hollande (juste après sa cinglante défaite lors de la primaire socialiste), l’ancien conseiller en communication de Lionel Jospin, pensait avoir assez d’idées et les reins assez solides pour montrer qu’il réussirait à faire appliquer la politique de François Hollande.Valls avait fait, après la primaire socialiste, le même constat qu’Arnaud Montebourg : choisir le candidat socialiste qui avait, selon eux, le plus d’atout pour gagner ; mais surtout éliminer Martine Aubry qui aurait, sans doute, donné une image plus sociale (même si nous ne nous faisons aucune illusion sur le sens profond de la politique qu’elle aurait mise en oeuvre) et donc qui aurait pu gêner les deux candidats à la primaire dans l’optique de la présidentielle de 2017. (1)
Un échec donc. Réel. Car, selon eux, leur politique d’austérité et d’alignement sur les concepts patronaux, devaient apporter des résultats. Pas en termes de pouvoir d’achat, ou de baisse du chômage (les conditions de vie de la population sont le cadet de leurs soucis), mais en terme de croissance, de, comme ils disent, reprise économique, qui est toujours vérifiée à l’aune des intérêts du patronat et des actionnaires, jamais du monde du travail. Or, aucun indicateur n’est au vert. Cet échec s’accompagne d’une impopularité sans précédent. C’est cette impopularité qui a poussé aussi Valls et son mentor Hollande au choix rapide de changement de gouvernement. (Comme quoi le rapport des forces, même en creux, est essentiel).
Cela marque aussi l’échec du parti socialiste qui depuis maintenant des décennies est dans l’incapacité de représenter un quelconque espoir de changement (changement étant entendu comme rupture avec les dogmes capitalistes) et qui devient, en tant que force politique, le principal obstacle à ce changement.
Il faut donc arriver au dépassement du parti socialiste, ce qu’avaient compris Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez notamment quand ils quittèrent le PS pour créer le parti de gauche. Sauf que le parti de gauche n’a jamais réussi à être une alternative socialiste au PS (j’y reviendrais), n’entraînant que peu de militants et élus et ayant été ensuite dans l’incapacité quasi absolu de faire réélire ses sortants (qui en fait avaient été des « entrants » socialistes). Arriver à un dépassement du parti socialiste –c’est à dire sa disparition- ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire avec les électeurs socialistes et aussi encore nombre de militants socialistes. L’évolution –même si elle est marquée par la perspective d’une candidature présidentielle en 2017- de Montebourg, Hamon, des « frondeurs » (même si la plupart d’entre eux ne vont pas au bout de leur démarche) (2) montrent qu’une autre configuration politique peut exister.
L’essentiel se situe dans la capacité à faire bouger le rapport de forces, d’abord dans le monde du travail, donc dans les entreprises et les quartiers populaires, sans se substituer aux organisations syndicales, mais en y faisant entrer la politique et rassembler le salariés sur des revendications immédiates.
La proposition de dire qu’il faut des élections maintenant, c’est encore une fois appeler à la délégation de pouvoir. (3) (Laissez-nous faire, on gagne les élections et c’est dans la poche). Sauf que s’il y avait des élections maintenant on se retrouverait soit avec un PS vallsisé qui jouerait la carte du Front national (si vous ne votez pas pour nous, vous serez responsable de l’éventuelle venue au pouvoir de Le Pen et consorts) et de la peur du retour de la droite (on n’a pas foutu en l’air Sarkozy pour le voir revenir), ou un retour de la droite dure. Par contre le développement d’un mouvement social dans les entreprises, les quartiers populaires, qui peut, selon les questions rassembler des gens et des organisations et associations différentes permettra de changer la configuration politique.
(1) Montebourg, Filipetti et Hamon ont ensuite fait le choix après la faillite du gouvernement Ayrault de soutenir et mettre en avant Valls, pensant qu’ils auraient ainsi les coudées plus franches. Comme quoi la politique du pire n’est jamais bonne.
(2) Le problème qu’on a avec la plupart des responsables politiques, à droite évidemment mais aussi au PS, c’est que ce sont des personnes qui n’ont jamais travaillé (ils ont atterri directement dans les cabinets politiques), qui ne vivent pas dans les quartiers populaires.
(3) Tout comme dans un autre domaine, dire qu’aujourd’hui la question principale est la VIe République. Excusez-moi d’être direct mais la VIe République tout le monde s’en fout. Posons-nous, par exemple, la question de savoir pourquoi nous avons été dans l’incapacité de rassembler un front commun sur les retraites qui fasse rendre gorge à Hollande de son projet, inscrit dans la continuité de la réforme Sarkozy ? On peut vouloir tendre vers la VIe République, mais poser la question comme facteur de rassemblement, c’est encore une fois, dire « attendez les changements institutionnels et tout sera réglé ». C'est encore une fois, agiter l'illusion du réformisme.